Plaies complexes La nécessité d’une définition précise…
Mieux définir la plaie complexe, appellation qui ne répond à aucune définition précise, apparaît important notamment afin de mieux adapter les ressources à leur prise en charge.
« Alors que le terme complexe est utilisé dans différentes recommandations et que la notion de complexité de la plaie intervient dans la nomenclature des actes infirmiers, il n’y a pas de définition précise de la plaie complexe » 1
Dans la littérature, si l’on se base sur une description anatomique, il s’agit souvent d’une plaie avec perte de substance importante, ou une perte des structures nobles, ostéo-articulaires ou vasculo-nerveuses. Selon une approche plus globale, il s’agit le plus souvent d’une plaie chronique, dont la complexité découle de quatre types de facteurs. Certains sont inhérents au patient (physiques mais aussi psychologiques et sociaux), d’autres en relation avec la plaie elle-même (ancienneté, taille, localisation, inflammation, infection…), d’autres encore liés aux disponibilités des ressources et/ou du traitement, et des paramètres dépendant des compétences et des connaissances des professionnels.
En pratique on considère qu’une plaie est complexe lorsqu’elle nécessite un geste chirurgical d’excision majeur, qu’elle met en échec une prise en charge antérieure, nécessite une technologie sophistiquée ou multidisciplinaire ou encore une plaie ayant un impact économique important.
1 Séance plénière Vulnus. « Les plaies complexes en question ». D’après les communications des Drs Julie Lano (Montpellier), Anne Dompmartin (Caen) et Jean-Charles Kerihuel (Paris).
Les pansements lourds et complexes face à la nomenclature. Comment bien coter ?
Le terme de « plaies complexes » est souvent utilisé pour parler des plaies chroniques. Cependant, toutes les plaies chroniques ne sont pas complexes et toutes les plaies complexes ne sont pas chroniques. Il existe des situations cliniques où il persiste des plaies difficiles à cicatriser pour des raisons autres que le non-respect des bonnes pratiques, et malgré la correction des facteurs de retard de cicatrisation. Bien que dans la littérature le terme « plaies complexes » soit fréquemment utilisé, les profils cliniques de ces plaies sont variés et se prêtent à différentes interprétations. Dans la nomenclature générale des actes professionnels des soins infirmiers (NGAP), 9 catégories de pansements sont référencées sous le libellé « Pansements lourds et complexes » :
- Pansements de brûlures étendue ou de plaie chimique ou thermique étendue, sur une surface > à 5 % de la surface corporelle,
- Pansements de brûlure suite à radiothérapie, sur une surface supérieure à 2 % de la surface corporelle
- Pansement d’ulcères étendu ou de greffe cutanée, sur une surface > à 60 cm²,
- Pansement d’amputation nécessitant détersion, épluchage et régularisation,
- Pansement de fistule digestive,
- Pansement pour pertes de substances traumatiques ou néoplasiques, avec lésion profondes, sous aponévrotiques, musculaires, tendineuses ou osseuses,
- Pansement nécessitant un méchage ou une irrigation,
- Pansement d’escarre profonde et étendue atteignant les muscles ou les tendons,
- Pansement chirurgical avec matériel d’ostéosynthèse extériorisé.
Complément d’information
La cotation d’un pansement lourd et complexe, associée à la MCI (création d’une majoration pour les infirmiers libéraux, d’une valeur de 5€ par intervention, afin de valoriser la prise en charge à domicile des soins dispensés à des patients en soins palliatifs ou à des patients nécessitant des pansements lourds et complexe), implique le respect des différents libellés de l’article 3 vu ci-dessus. Il est nécessaire de prendre en compte des éléments qui argumenteront votre choix de cotation, il faut donc respecter les notions de surface, de profondeur … Lorsqu’une ordonnance ne précise pas correctement la situation de la plaie, une annotation infirmière sera toujours possible en en bas de l’ordonnance, (attention, il ne s’agit pas de corriger une prescription mais plutôt d’apporter des informations complémentaires) Par exemple, les dimensions de la plaie, un calcul de surface, une description de la plaie, associée à une traçabilité dans le dossier de soins infirmier avec la possibilité d’y associer également une photographie de la plaie.
2 Extrait Article 3 – Pansements lourds et complexes – NGAP – Version modifiée par décision UNCAM du 18/07/2019
Comment argumenter une plaie lourde et complexe ?
Mesures des plaies
La mesure d’une plaie est un élément important de l’évaluation. De nombreuses techniques de mesure existent. De l’utilisation simple de calques aux méthodes plus sophistiquées nécessitant l’utilisation d’appareil photo, de caméra et d’ordinateur tous les intermédiaires sont possibles. Des méthodes quantitatives qui permettent d’apprécier le niveau de cicatrisation d’une plaie sont essentielles pour évaluer la réponse à de nouvelles thérapeutiques aussi bien en ce qui concerne des pansements, des produits administrés localement dans les plaies que des thérapeutiques générales.
Les mesures sont utiles pour trois raisons
- Pour documenter l’évolution cicatriciel d’une plaie
- Pour apprécier l’efficacité ou la non efficacité des thérapeutiques mises en place
- Pour argumenter le bien-fondé d’une cotation en pansement lourd et complexe (AMI 4)
Le degré de précision pour chaque objectif est bien entendu différent et les techniques auxquelles il faudra faire appel peuvent être différentes.
Les différentes méthodes d’évaluation des plaies se heurtent à trois principaux écueils :
- La définition simple des bordures de la plaie (il s’agit d’une évaluation tout à fait subjective
qui dépend de l’observateur, qui décide de ce qui fait partie de la plaie et de ce qui n’en fait
pas partie. L’erreur la plus souvent commise en bordure de la plaie est l’inclusion ou non
dans la plaie des zones d’épidermisation) - La
variabilité des plaies larges et profondes selon la position du malade.
De telles plaies sont capables de changement important d’apparence
rendant non reproductible les mesures si le
patient n’est pas installé exactement dans la même position d’une mesure à l’autre - La nature convexe du corps humain (les mesures ne tiennent habituellement pas compte des erreurs entraînées par cette particularité)
Malgré des difficultés, plusieurs techniques de mesures peuvent être utilisées pour l’appréciation de la surface ou du volume des plaies.
Mesure de surface
Mesure directe à la règle
La mesure d’une plaie se fait directement à l’aide d’une réglette, ou bandelette centimétrique.
Pour rester fiable dans vos mesures, prendre les 2 plus grands diamètres perpendiculaires (L x l), les grands axes étant obtenus, vous pourrez alors aisément calculer la surface de la plaie à l’aide de la formule ci-dessus
S = L x l = 6,7 x 4,8 = 32,16 cm2
Cependant, cette technique simple est non sans risque d’erreur en péchant par excès. En effet la surface ainsi obtenue correspond au schéma ci-dessous et ne décrit pas la réalité de la surface de la plaie. Aussi une formule corrigée permet de pallier cet excès, il faut donc utiliser
S = L x l x 0,785 = 6,7 x 4,8 x 0,785 = 25,24 cm2
Une autre technique de mesure de surface peut se faire par une utilisation d’un calque qui permet d’apprécier la dimension, la surface et les contours. Seule la partie adhésive est en contact avec la plaie, le feuillet pourra donc être détaché et il sera possible de calculer une surface en cm2. Le papier millimétré donnera une surface de 25 cm2
Mesure de la profondeur
La mesure de la profondeur est peu pratiquée.
Pour autant, elle est possible avec l’utilisation d’une sonde mousse (type coton tige ou bâtonnet de prélèvement bactériologie)
Après un nettoyage minutieux de la plaie, il faut mesurer la plaie à plusieurs endroits de la cavité
Faites 2 mesures : une mesure au plus profond et une autre mesure au moins profonde, puis faites une moyenne des deux mesures, vous obtiendrez ainsi une valeur moyenne de la profondeur
Mesure de la surface corporelle dans les brûlures
La règle des 9 de Wallace permet d’évaluer l’étendue d’une brûlure sur le corps. Elle fait autorité en la matière depuis des décennies.
C’est une méthode qui propose de procéder rapidement à une première estimation de l’étendue de la brûlure en associant 9% (ou multiples de 9) de surface totale à chaque partie du corps, pour un total de 100, avec 1% pour la zone des parties génitales.
Pour un adulte, la règle est :